jeudi 24 février 2011

l'EPA évalue les impacts environnementaux des agrocarburants; un éminent scientifique du Michigan sonne l'alarme

Adaptation résumée et traduction libre d'un article de Brett Walton "EPA Releases Draft Assessment of Environmental Effects of Biofuels" paru dans Circle of Blue , 14 février 2011

Commentant la version préliminaire d'une évaluation des impacts environnementaux des biocarburants de l'EPA-Environmental Protection Agency des États-Unis, dont la version finale est prévue en mai 2012, Bruce Dale, un éminent expert des agrocarburants du Michigan State University s'adressait aux industries américaines des carburants dits renouvelables, les prévenant comme suit:

"Accélérez les investissements dans la seule voie de sortie de l'impasse: l'éthanol cellulosique".
Ces agrocarburants dits de 2e génération, sont selon Bruce Dale, l'étroit passage pour les États-Unis atteignent les objectifs adoptés en 2007 par le gouvernement fédéral américain avec le Energy Independence and Security Act (EISA). Cette loi exige dans les faits de hausser la productoin annuelle de carburant liquide renouvelable de 20 milliard litres en 2008 à 80 milliard de litres, dans les mélanges de carburants pour les transports, et ce, avant 2022.

En dix ans, selon l'expert, il est très hasardeux de penser que l'industrie de l'éthanol, cellulosique aura le temps de se doter des capitaux, des infrastructures et technologies à grande échelle et des approvisionnements nécessaires pour combler la demande forcée par la réglementation. (NLDR: On sait que le Canada avec son atavique alignement sur les politiques étasuniennes a déjà emboîté le pas avec un 5% d'éthanol pour commencer et exactement le même problème d'incapacité de l'industrie canadienne des "biofuel". Plutôt que d'adopter des politique d'affranchissement des citoyens et entreprises au pétrole et à ses substituts, le gouvernement fédéral mise plutôt sur le développement à plein gaz des sables bitumineux d'Alberta, le pétrole le plus sale au monde).

( photo: Bioréacteur enzymatique dans une usine pilote d'éthanol
cellulosique ZeaChem - Hazen Loratories, Golden, Colorado - 2010)

Dans la version préliminaire de étude de l'EPA sur les les impacts environnementaux et les stratégies à mettre en oeuvre pour l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de carbone du secteur des transports américains, on apprend que, sans compter l'eau requise pour la récolte de maïs, soit environ 50 tonnes d'eau par tonne de maïs,dans le mid-west américain, cela prend trois litres d'eau pour fabriquer un litre d'éthanol, alors que cela pends six fois moins d'eau, soit 500ml, pour raffiner un litre de gazoline. Par ailleurs l'empreinte sur L'eau d'une litre de gazoline issue des sables bitumineux est comparable au à celle de l'éthanol cellulosique, qui lui-même est quatre fois plus vorace en eau que l'éthanol de première génération. Ce dernier provient principalement du maïs, aux États-Unis.

En moyenne 400 litres d'eau d'irrigation sont requis en plus des précipitations pour produire un litre d'éthanol-maïs dans le mid-West américain. Bien qu'un plateau est planifié en 2015 pour cette source d'agrocarburant provenant des États-Unis, d'autre sources d'agrocarburants de première gnération seront importées encore et pour des décennies à venir. Le Brésil en zones pluviales produit de L'éthanol à partir des résidus de canne à sucre. Pour cette culture, 50 litres en moyenne sont requis en eau d'irrigation par litre d'éthanol. L'empreinte sur L'eau de cet agrocarburant brésilien est donc 8 fois moindre que celui des USA, ce qui fait dire au président Lula que l'éthanol du Brésil est le plus "vert" au monde(...). D'autres pays exportateurs comme l'Inde et la Thaïlande moins bien pourvus en pluies doivent irriguer les cultures pour les agrocarburants jusqu'à raison de 3 500 litres d'eau par litre d'agrocarburant produit, soit une empreinte sur l'eau 70 fois plus lourde que pour la canne à sucre brésilienne.

Le marché artificiel et subventionné des agrocaburants au Nord pose un problème éthique global car déjà 1,2 G d'êtres humains vivent dans des régions où l'eau est rare. Pour combler les besoins alimentaires de la population mondiale en croissance, on estime que les besoins globaux en eau d'irrigation devrait augmenter de 20% d'ici 2050, pour alimenter adéquatement les 9G d'êtres humains prévus. Cela pourrait causer de graves problèmes de pénuries d'eau, des révoltes, des conflits violents et des migrations massives de populations (1).

À cet accaparement de la ressource "eau" par la filière des agrocarburants, autant des aquifères s'épuisant dramatiquement dans le Corn Belt américain qu'au Sud, dans les pays appauvris et émergents, s'ajoute l'impact du marché forcé des agrocarburants sur le prix des provendes et des denrées alimentaires. Lorsqu'entre 2004 et 2008, les USA ont commencé à intensifier la production d'éthanol-maïs, le prix d'un boisseau est passé de $2,00 à $4,20. Le détournemnt des denrées agricoles vers la filière énergétique a été démontrée comme étant le 2e facteur précipitant en importance de la hausses des prix des aliments de base, tout juste derrière la spéculation boursière sur les stocks et les contrats d'approvisionnement du marché des grains.
(Photo: Irrigation par aspersion du maïs dans le Mid-West américain
- Crédit: yourcountryneighbor.com)

L'EPA estime que sur la base de 2008, les agrocarburants lourdement subventionnés aux États-Unis auront contribué tout au mieux à 9% de réduction des GES liés aux transports terrestres des personnes et des marchandises à l'échéance de 2022. Cela ne tient pas compte d'une éventuelle augmentatoin de la consommation absolue de carburant qui va probablement annuler cette faible diminution relative des GES (2). ...Et de lancer Bruce Dale en conclusion de l'interview:

"Le problème fondamental (avec le EISA), c'est que les États-Unis n'ont pas décidé de s'engager dans un processus de sevrage du pétrole"


(1) - L'EPA est ni plus ni moins en train de démontrer que le commerce mondialisé (et parfois militarisé!) des agrocarburants est une aberration sociale économique et écologique. Pour sa part, Olivier de Shutter , ex-conseiller spécial de l'ONU en matière d'agroécosystèmes face aux changements climatiques jugeait en 2006 les subventions à l'industrie des agrocarburants de " Crime contre l'humanité " .

(2) - Le solde quasi nul de cette lutte onéreuse et dérisoire contre le réchauffement climatique serait au prix d'énormes perturbations et de grandes souffrances: La hausse des prix mondiaux des denrées alimentaires, la surexploitatoin des aquifères et des approvisionnements en eaux de surface pour l'irrigations des cultures vivrières, s'ajouteront à perte d'habitats et de biodiversité,et à la dégradation des sols et la désintégration de milliers de communautés paysannes dans de nombeux pays du Sud qui exportent des denrées dénarutées pour filière énergétique des pays riches du Nord ,en mal de s'afranchir des pays de l'OPEP, notamment du Moyen-Orient)

1 commentaire:

  1. Il y a quelques articles accessibles sur les agrocarburants dans un ancien numéro en ligne de Courrier international de 2007:

    http://www.courrierinternational.com/magazine/2007/864-biocarburants-l-arnaque

    Voici un des articles :

    L'OCDE critique le développement des biocarburants
    11.09.2007
    Les conséquences sociales et écologiques du boom des biocarburants commencent à inquiéter sérieusement les organisations internationales.
    Le 7 septembre, Jacques Diouf, directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), déplorait, à la une du Financial Times, le rôle inflationniste de la consommation de plantes fourragères par l'industrie des biocarburants. Selon lui, l'augmentation du prix des importations de blé, de maïs ou de lait est porteuse de "tensions sociales qui pourraient conduire à des troubles, voire à des problèmes politiques".
    Des propos relayés par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui affirme dans un nouveau rapport que "le mouvement actuel en faveur de l'utilisation des biocarburants crée des tensions insupportables qui vont perturber les marchés sans générer de bénéfices environnementaux significatifs".
    Ce document, dont le Financial Times donne quelques extraits, doit servir de base de travail à une table ronde sur le développement durable organisée par l'OCDE à Paris les 11 et 12 septembre. Cette manifestation rassemble des représentants d'une douzaine de pays, des scientifiques, des ONG et des entreprises.
    D'après ce rapport, les biocarburants ne réduiront les émissions de gaz à effet de serre que de 3 % au mieux, pour un coût très élevé pour le contribuable. Ainsi, les Etats-Unis dépensent 5 milliards d'euros par an pour aider ce secteur, ce qui porte le coût de chaque tonne de CO2 ainsi économisée à plus de 360 euros. Dans l'UE, ce montant serait 10 fois supérieur.
    "Tant que le prix de l'environnement ne sera pas correctement évalué par les marchés, il y aura de fortes incitations à remplacer des écosystèmes tels que les forêts, les zones humides et les pâturages par des cultures destinées à la production de biocarburants", avertit l'OCDE. En conclusion, le rapport estime que les subventions actuelles devraient être redéployées vers la recherche portant sur les biocarburants de deuxième génération, qui utilisent des déchets végétaux.


    déposé par ceberger au nom de: Pierre Godin

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