samedi 27 août 2011

Sommet agro-éco-social régional de Challapata





Une rencontre agro-éco-sociale régionale à la croisée des choix pour un développement humain rural intégral et durable.


Nous sommes à la mi-août 2011 à 3500 mètres

d’altitude dans la vaste et fertile plaine bordant le lac Poopo et sertie entre les cordillères est et ouest des Andes boliviennes dans le département d’Oruro. Des groupes de producteurs laitiers, d’éleveurs de lamas et de moutons,

des conseils municipaux, divers groupes communautaires ruraux et urbains de la région et d’ailleurs dans l’Altiplano andin jusqu’au Pérou se réunissent pour un premier sommet régional d'un nouveau genre. Le Centre pour l'Écologie et les Peuples Andins basé à Oruro, le CEPA, en est un des principaux instigateurs.



Le tout se déroule à Challapata, une communauté agricole d’un peu plus de 11,000 hectares où la production laitière se démarque. Semaine après semaine, la foire agricole rassemble des dizaines de producteurs et d’éleveurs de tout l’ouest bolivien autour d’un cheptel de plus de 11,000 têtes de bétail Holstein. Challapata, c’est plus de 2,000 familles qui vivent de l’agriculture. Les parcelles dédiées au pacage alternent avec celles dédiées au quinoa, à la pomme de terre, au chou...


À la fin de l’époque glacière il y a 12,000 ans, la vaste plaine de quelque 400 kms de long et de 5 à 50 de large était en fait une grande mer intérieure en altitude, la

mer de Ballavian, nommée d’après le géographe et historien qui l’a décrit. Il en reste les grands lacs Titicaca et Poopo, des dizaines de lagunes et salars (celui de Uyuni étant le plus vaste de célèbre). Du soleil, de l’eau, de bons sols limoneux,

il y a ce qu’il faut pour que les humains prospèrent. Mais...


L’arrivée des européens il y a cinq siècles, a mis une autre richesse à l’avant plan: les métaux: or, argent, étain, cuivre...dont regorgent les massifs andins. Des contre-forts bordant Challapata les eaux ruissellent vers le lac Poopo et permettent l’irrigation au besoin. Mais les méga-projets miniers viennent créer une pression sans précédent sur la vie rurale des humains et tout l’écosystème autour du lac Poopo. Plusieurs lois promulguées au cours des 10 dernières années sont garantes de la vocation d’élevage et de production agricole basée sur l’ayllus (communauté de familles), mais la nouvelle ruée vers l’or et autres métaux encourage les grandes minières transnationales à demander des dérogations, des exceptions, des voies de contournements à ces lois.


Les expériences des dernières décennies au cours desquelles se sont multipliés les déversements toxiques et les non-respects des plans d’exploitation autorisés ont fait du lac Poopo un réservoir de déchet miniers de plus en plus toxique. Ainsi, des prélèvements récents effectués sur la rivière Huanuni montrent un Ph 6 dans la normale en amont du centre minier de la localité du même nom alors qu’il est de Ph4 en aval et en se rapprochant de la zone agricole du lac Poopo. Sur l’autre rive une analyse faite en 2009 et 2010 sur les eaux de la rivière Desaguadero montre des résultats analogues. Rappelons que pour la consommation humaine, l’eau doit avoir un PH autour de 7 (acidité neutre). Et je ne parle pas ici de la concentration en métaux lourds et autres résidus chimiques. Les participants à la rencontre de Challapata affirment unanimement qu’il y a là un état d’urgence éco-social qui exige de la part de toute la société civile une vigilance de tous les instants pour préserver l’intégralité des lois en vigueur et leur application. Ainsi, le gouvernement a déclaré la région «zone environnementale sinistrée». Il y a de grands investissements à faire pour rétablir la qualité des écosystèmes durement éprouvés par les activités d’extraction minière. Or, les autorités reçoivent toujours des demandes de permis d’exploration et d’exploitation À Challapata, les participants répondent une fin de non recevoir complète. Le mode de vie qu’il ont choisi s’articule autour d’une recherche d’une harmonie toujours plus grande entre les communautés humaines et la Terre Mère (les écosytèmes qui les supportent). Il est incompatible avec l’activité minière à grande échelle telle les exploitations à ciel ouvert et l’usage des composés chimiques de la famille du cyanure. La rencontre plaide pour un modèle de développement basé sur la paysannerie et la vie communautaire respectueux de l’héritage spirituel andin dans ce qu’il a de meilleur et pour le raffermissement des relations de coopération entre les communautés et les organisations civiles qui partagent une vision apparentée du développement tant au niveau régional qu’international. La signification de l’expression «mondialiser la solidarité» devient de plus en plus concrète autour des questions rurales et éco-sociales où s’entrelacent les thématiques de l’alimentation, de l’eau, des droits humains, de l’extraction des ressources.


De son côté, la grande industrie lance une invitation à un premier séminaire international sur la responsabilité éco-sociale des entreprises minières du 19 au 21 octobre prochain à Santiago du Chili. Dans sa lettre d’invitation le président de l’évènement, M. Marcelo Awad insiste sur deux aspects de la question: le premier touche les relations inter-culturelles, le respect des populations. Le second propose une réflexion sur le progrès et le développement. Mais le ton est encore à se demander «comment apporter le progrès et la modernisation dans les communautés où l’industrie s’installe?» Voir le lien dans l’article paru le 24 août dernier à ce sujet.

L’industrie ne se demande pas si elle aurait quelque chose à apprendre de ces communautés généralement rurales et au mode de vie très simple mais pas nécessairement misérable, au contraire. L’esprit colonialiste est loin d’être vaincu....

Derrière tout cela, demandons-nous qu’elle est la spiritualité qui nous anime dans nos choix? Quelle est notre vision d’un monde meilleur?




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